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La Piscine à Roubaix : quand une cathédrale Art déco devient musée d’art et d’industrie
ÉDITORIAL

La Piscine à Roubaix : quand une cathédrale Art déco devient musée d’art et d’industrie

Installé dans l’ancienne piscine municipale Art déco de Roubaix, le musée d’Art et d’Industrie André Diligent conjugue patrimoine industriel et création artistique. De sa reconversion en 2001 à son extension en 2018, l’institution a bâti une identité singulière autour des arts appliqués, du textile et des arts plastiques des XIXe et XXe siècles.

28 OCTOBRE 2025Lecture 5 minutesStudio Zenati

Un écrin Art déco sauvé et reconverti

La Piscine, musée d’Art et d’Industrie André Diligent, est abritée dans l’ancienne piscine municipale de Roubaix, édifice emblématique de l’entre-deux-guerres conçu par l’architecte Albert Baert et inauguré en 1932. Située au cœur de la ville textile du Nord, la piscine fut un équipement de bien-être et d’hygiène autant qu’un symbole esthétique, avec son grand bassin central, ses cabines alignées, ses galeries et ses vitraux rayonnants en forme de soleil. Fermée en 1985 pour raisons de sécurité, elle échappe à l’abandon grâce à un projet de reconversion culturelle porté par la municipalité et soutenu par l’État et les collectivités. L’architecte Jean-Paul Philippon mène la transformation, qui respecte l’architecture d’origine tout en l’adaptant aux exigences muséales, et le musée ouvre au public en 2001 sous le nom de Musée d’Art et d’Industrie André Diligent, en hommage à l’ancien maire de Roubaix qui avait promu cette reconversion.

Une identité héritée d’une ville-usine

Roubaix, capitale historique de la laine et des manufactures, possédait depuis le XIXe siècle des collections constituées par le musée municipal d’art et d’industrie, né au milieu des années 1800 afin de soutenir la formation des ouvriers, dessinateurs et industriels du textile. Échantillonnaires, cahiers de motifs, archives d’entreprises, tissus techniques, dentelles et velours, mais aussi céramiques, ferronneries, meubles et objets d’art formaient un corpus destiné autant à la transmission des savoir-faire qu’à l’inspiration des créateurs. La Piscine, en assumant cette généalogie, articule patrimoine industriel et histoire de l’art, offrant un cadre singulier où la mémoire matérielle de la ville s’expose au sein d’une architecture civile emblématique de son âge d’or.

Collections : du textile aux beaux-arts

Le cœur historique des collections touche au textile et aux arts appliqués, avec un ensemble de pièces qui illustre les techniques, les styles et les innovations des manufactures roubaisiennes et, plus largement, des bassins textiles européens. Livres d’échantillons, cartons de motifs, tissus imprimés, broderies et dentelles côtoient machines et outils, témoignant de la richesse d’un écosystème industriel où la créativité répondait aux marchés internationaux. Cette dimension documentaire, longtemps au service des écoles et des ateliers, est aujourd’hui valorisée par une présentation qui met en regard patrimoine technique et expression artistique.

Au fil de son développement, le musée a aussi constitué un ensemble de beaux-arts axé sur les XIXe et XXe siècles, mêlant peinture, sculpture, arts graphiques et arts décoratifs. La sculpture y occupe une place notable, présentée en dialogue avec l’espace du bassin et ses travées, dans une scénographie qui tire parti de la lumière et des reflets. Les arts décoratifs – céramique, verrerie, mobilier – complètent cet ensemble, permettant de suivre le passage de l’Art nouveau à l’Art déco, puis les modernités du XXe siècle. Une attention particulière est portée aux artistes, artisans et manufacturiers dont l’œuvre croise les mondes de l’industrie et de la création, une ligne curatoriale fidèle à l’ADN du musée.

Temporaires et cycles transversaux

La Piscine s’est illustrée par une programmation d’expositions temporaires où le textile, la mode, le design et les arts plastiques se rencontrent, montrant aussi bien des créateurs historiques que des regards contemporains sur les matières, la couleur et la forme. Le dialogue entre patrimoine et création est un axe récurrent, qu’il s’agisse de revisiter des fonds d’archives, de présenter des ensembles monographiques, ou de mettre en lumière des ensembles décoratifs souvent peu visibles dans les musées d’art généralistes. Ces cycles permettent de relire les collections permanentes, de nourrir des passerelles avec le tissu économique et de situer Roubaix dans une cartographie élargie des arts appliqués.

Une scénographie au fil de l’eau

La singularité de La Piscine tient à la manière dont l’architecture d’origine structure l’expérience de visite. Le grand bassin, conservé et réinvesti, est devenu un miroir d’eau qui prolonge les perspectives et fait vibrer la lumière filtrée par les verrières en forme de soleil. Les anciens vestiaires, les coursives et les cabines, réhabilités, proposent des alcôves d’exposition qui alternent objets, sculptures et ensembles textiles. Cette scénographie, imaginée par Jean-Paul Philippon pour la réouverture de 2001, respecte les volumes, les matériaux et les lignes Art déco, tout en apportant les dispositifs de conservation, de climatisation et d’éclairage requis par les normes muséales contemporaines.

L’effet de « cathédrale laïque » tient à la verticalité de la nef, à la rythmique des baies et au jeu des matières – faïences claires, métal patiné, boiseries – caractéristiques des piscines de l’époque mais rarement préservées à ce degré d’intégrité. La circulation fluidifie la visite entre espaces intimes et vues d’ensemble, transformant chaque travée en chapitre d’un récit qui mêle histoire sociale, techniques de fabrication et gestes artistiques.

2018 : une extension pour changer d’échelle

Face au succès public et aux besoins de conservation, le musée a entrepris une importante extension et rénovation, achevée en 2018, sous la conduite du même architecte, Jean-Paul Philippon. Le projet a ajouté plusieurs milliers de mètres carrés de surfaces utiles, créant de nouvelles salles d’exposition, un espace d’accueil agrandi, des réserves et des ateliers de restauration, ainsi qu’un jardin qui relie plus naturellement le musée à son quartier. Cette extension, discrète et respectueuse du gabarit urbain, prolonge la logique initiale de reconversion en s’attachant à des matériaux et des teintes en harmonie avec l’existant.

La réouverture a permis de redéployer les collections permanentes, de renforcer la présentation du fonds textile, d’améliorer la muséographie des arts décoratifs et de la sculpture, et d’offrir des conditions plus souples pour des expositions temporaires d’envergure. Elle s’est accompagnée d’une mise à niveau technique, nécessaire pour répondre aux exigences en matière d’accessibilité, de conservation préventive et de circulation des œuvres. Ce changement d’échelle a consolidé la place de La Piscine dans le paysage muséal français, en particulier dans le réseau des musées implantés dans des architectures industrielles reconverties.

Médiation, recherche et ancrage territorial

Institution de la Ville de Roubaix et labellisée « Musée de France », La Piscine développe une médiation attentive aux publics scolaires, aux familles et aux visiteurs non spécialistes, avec des ateliers, des visites thématiques et des parcours qui articulent découverte sensible et contenu documentaire. La présence d’un important fonds textile et d’archives d’entreprises permet de mener des projets pédagogiques avec les écoles d’art, de design et les formations spécialisées de la région, prolongeant la vocation formatrice héritée du premier musée d’industrie du XIXe siècle.

Le musée collabore régulièrement avec d’autres institutions et prête des œuvres à des expositions en France et à l’étranger, ce qui participe à la reconnaissance et à la circulation de collections longtemps considérées comme techniques ou utilitaires. Les publications, catalogues et dossiers thématiques produits à l’occasion des expositions contribuent à la recherche sur l’histoire industrielle et sur les circulations artistiques entre ateliers, manufactures et artistes. Le site et les outils numériques offrent par ailleurs des ressources pour explorer les collections, une voie particulièrement utile pour des ensembles comme les échantillonnaires ou les archives de motifs, difficiles à exposer en continu pour des raisons de conservation.

Une vitrine d’un patrimoine en mouvement

La Piscine s’inscrit dans un mouvement plus vaste de réhabilitation du patrimoine industriel dans la région Hauts-de-France, où d’anciennes friches et architectures civiles trouvent de nouveaux usages. À Roubaix, elle dialogue avec d’autres équipements culturels et patrimoniaux, contribuant à un récit urbain où la mémoire de la manufacture devient un levier de dynamisme, d’attractivité et d’éducation. Par sa cohérence entre lieu, collections et projet scientifique, le musée illustre la manière dont un patrimoine du quotidien peut devenir un support de sensibilisation à la création, à l’histoire sociale et aux techniques.

Une institution au rayonnement affirmé

Depuis sa création, La Piscine a su fédérer un public large en assumant une identité hybride, ni strictement musée d’art ni strictement musée technique, mais un lieu où l’on regarde et comprend les objets à la croisée de leurs usages, de leurs formes et de leurs contextes. Son statut de musée municipal, son ancrage dans la ville et son lien organique avec l’histoire textile roubaisienne expliquent une programmation et une politique d’acquisition centrées sur la cohérence des fonds. L’extension de 2018, en offrant des capacités accrues, a rendu possible des expositions au format plus ambitieux, sans altérer l’équilibre entre les permanents et les temporaires ni le caractère intime de certaines salles.

À l’échelle nationale, La Piscine est devenue un cas d’école de reconversion patrimoniale réussie, souvent cité pour la qualité de son architecture, la pertinence de sa scénographie et l’inscription de sa collection dans l’histoire d’une ville. À l’échelle internationale, elle s’intègre à une constellation de musées situés dans des architectures du XXe siècle requalifiées, capables de proposer des expériences de visite qui tiennent autant de l’observation des œuvres que de l’habitation d’un espace.

Sources

Site officiel de La Piscine – Musée d’Art et d’Industrie André Diligent, présentation du musée, histoire et collections. https://www.roubaix-lapiscine.com

« La Piscine (musée d’art et d’industrie André-Diligent) » – article de référence, Wikipédia (consulté pour la chronologie de la piscine, la reconversion de 2001 et l’extension de 2018). https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Piscine_(mus%C3%A9e_d%27art_et_d%27industrie)

Le Monde, « À Roubaix, La Piscine agrandie et rénovée s’ouvre au public », 19 octobre 2018, article présentant le projet d’extension, sa philosophie architecturale et le redéploiement des collections. https://www.lemonde.fr

France 3 Hauts-de-France, « Roubaix : La Piscine rouvre après deux ans de travaux d’extension », 20 octobre 2018, reportage sur la réouverture, les nouveaux espaces et l’accueil des publics. https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france

Dossier et communiqués de presse de La Piscine (réouverture 2018), informations techniques sur l’agrandissement, la scénographie et les espaces de conservation. https://www.roubaix-lapiscine.com/medias

Fiches de présentation patrimoniale sur la piscine municipale de Roubaix et son architecte Albert Baert, ressources locales et régionales (Ville de Roubaix, archives et inventaires). https://www.roubaix.fr

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Zenati

Collectif photo & vidéo

Installée entre plusieurs capitales culturelles, l’équipe Zenati rassemble réalisateurs, photographes et historiens de l’art. Ensemble, nous explorons comment musées, architecture et usages numériques transforment la relation à l’image, en conjuguant observation documentaire et narration cinématographique.